Les étudiants et étudiantes des CÉGEPS et des universités du Québec, après plus d’un mois de lutte intense, incluant des manifestations, des occupations d’édifices et un boycott prolongé des cours, ont accepté une offre du gouvernement provincial.
L’enjeu était la coupure de 103$ millions du programme d’aide financière aux étudiants. Le nouvel accord comporte un réinvestissement de 73$ millions pour la présente année fiscale (2005-2006) et de 103$ millions par année pour les quatre prochaines années. C’est une victoire pour le mouvement étudiant du Québec et un exemple pour les syndicats et les autres mouvements sociaux qu’il est possible à travers l’action directe de masse de résister à et de vaincre certains aspects de l’agenda actuel de la classe dirigeante.
Il n’y avait pas de consensus sur l’accord à l’intérieur du mouvement étudiant québécois. Sur les trois fédérations étudiantes, deux ont endossé l’entente, soit les deux qui l’ont négocié, la Fédération des étudiants universitaires du Québec (FEUQ) et la Fédération des étudiants collégiaux (FECQ). La troisième, soit la Coalition pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CASSÉE), qui a été exclue des négociations à cause de son refus de renoncer aux tactiques « violentes », a rejeté l’entente.
Même à l’intérieur de chacun des regroupements d’associations étudiantes, il n’y avait pas vraiment d’accord à savoir si on devait ou non accepter l’entente. Par exemple, l’Association étudiante de l’Université du Québec à Rimouski (AGEUQAR), membre de la FEUQ, rejeta l’offre, alors que l’Association étudiante du collège de Sherbrooke, membre de la CASSÉE, l’a accepté.
La division représente les différences d’opinions qu’il y avait entre les associations étudiantes au sujet des demandes du mouvement de grève. Alors que certaines se concentraient uniquement sur les 103$ millions, la plupart formulaient d’autres revendications, incluant la demande de ne pas permettre aux cours du système collégial d’être adaptés aux besoins du secteur privé et de changer la façon dont les prêts sont versés (demandant un retour au versement unique).
Certaines associations revendiquaient même un changement social plus large, incluant l’avortement et les services de contraception libres et gratuits, plus de logements sociaux et la transformation des dépenses militaires en investissements sociaux.
Alors que dans certaines régions les négociateurs de l’entente ont été dépeint comme des traîtres et dans certains cas ont même été harcelés dans la rue, il n’est pas clair du tout que le mouvement étudiant aurait pu prolonger sa grève assez longtemps pour que le mouvement ouvrier et les autres secteurs populaires les rejoignent. Il n’est pas clair non plus que le gouvernement du Québec aurait pu se permettre de faire une meilleure entente sans rendre sa position intenable et déclencher ainsi une élection précipitée dans laquelle les Libéraux de Jean Charest auraient été décimés (ils étaient à moins de 25% dans les derniers sondages).
Parce que les premières associations ont commencé la grève à la fin février, leur essoufflement avait commencé à se manifester quand l’offre du gouvernement a été faite au début avril. Dans les assemblées étudiantes hebdomadaires qui se tenaient dans la plupart des écoles en grèves, le nombre d’étudiants et d’étudiantes qui votaient pour la poursuite de la grève déclinait. Donc, étant donné les circonstances, le résultat était le mieux que l’on pouvait espérer.
Les syndicats du secteur public ont pris la relève alors que les étudiants rentraient. Sans convention collective depuis deux ans, les syndicats ont commencé à prendre des votes de grèves. Il y a une réelle possibilité de luttes pour cet automne (2005). Le gouvernement Charest ne dormira pas tant qu’il ne cédera pas face à la pression constante et croissante qui demande un modèle social différent pour le Québec.
-Par Aaron Donny-Clark – le vice-président (Affaires Externes) de la Student Society of McGill University (Association étudiante de l’Université McGill) et un membre de Socialist Action/Ligue pour l’Action Socialiste à Montréal.