LE QUÉBEC ET LA QUESTION NATIONALE DANS L’ÉTAT CANADIEN

Le fédéralisme : le moteur derrière la souveraineté
L’ACAE, l’Alliance canadienne des associations étudiantes, le groupe de pression fédéral étudiant, a été fondée dans un effort de diviser le mouvement étudiant, alors que la Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes commençait à montrer son pouvoir réel dans ses mobilisations étudiantes. L’ACAE a initié sa première campagne, intitulée « L’éducation construit une nation », autour de 1994. Elle voyait ça comme un moment crucial pour avoir une « unité nationale ».
Le plan de l’ACAE était de faire du lobbying pour avoir une « vision pancanadienne » pour l’éducation post-secondaire au Canada. C’était supposément pour aider à réduire les « divisions » préoccupant l’État canadien dans ce temps là. Elle a continué à mener cette campagne jusqu’à tout récemment, sans porter aucune attention aux problèmes constitutionnels qui pourraient surgir d’une telle approche, plus particulièrement au Québec.
Plus récemment, le scandale de la corruption et du blanchiment d’argent associé avec le programme des commandites du gouvernement fédéral, dont le but était soi-disant de renforcer l’image du gouvernement fédéral face à un mouvement souverainiste fort par le biais d’annonces publicitaires pro-fédéralistes lors d’évènements communautaires, a déclenché une renaissance du nationalisme québécois.
Ce sont seulement deux exemples parmi des nombreux, qu’on peut trouver dans pratiquement chaque effort pour « combattre le séparatisme » (assez ironiquement, ceci comprend l’utilisation du terme désobligeant « séparatisme »), des exemples qui montrent à quel point le fédéralisme, comme le capitalisme, sème les graines de sa propre destruction.
Ces derniers temps nous avons été témoins, non seulement du scandale des commandites, mais aussi de l’antidémocratique Loi sur la Clarté référendaire, du mépris infini pour les juridictions provinciales (Ottawa connaît mieux) et du jugement de la Cour Suprême dans le cas du Docteur Chaoulli. Dans le jugement Chaoulli contre le gouvernement du Québec, le tribunal fédéral a ouvert la porte à la médecine privée au Canada, ce qui va certainement aigrir davantage le peuple du Québec envers le système fédéral.
La question qui remplace toutes les autres
Ça m’a pris récemment une journée passée dans un congrès du Parti Québécois pour voir par moi-même l’incroyable diversité de ce parti. La distance entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite de ce parti est peut-être bien plus grande que celle entre le NPD et le Parti Conservateur au Canada anglais. Les membres du PQ peuvent rarement être d’accord sur beaucoup de choses au-delà du premier point de leur plateforme : la souveraineté du Québec. L’importance de cette diversité est qu’elle montre à quel point les autres questions qui concernent le Québec ne sont pas abordées, ou du moins peu abordées, incluant les questions de classe, de race et de sexe. Une grande partie du débat de société au PQ, et au-delà, est accaparée par la question nationale, mettant les autres questions de côté. C’est ce qui explique en partie la formation d’un parti de gauche souverainiste, Québec Solidaire, qui provient des luttes sociales contre l’agenda néolibéral implanté par l’ancien gouvernement provincial du PQ.
Pourquoi appuyons-nous l’indépendance du Québec?
« C’est devenu très probable qu’à l’intérieur de quelques années le peuple du Québec sera encore consulté sur son avenir politique et qu’on lui demandera s’il est pour ou contre la souveraineté du Québec. Si la réponse est oui, et le côté fédéraliste vaincu, le reste du Canada devra décider s’il se soumet à cette décision ou s’il l’empêchera par des moyens énergiques.
« Ce n’est donc pas une question hypothétique pour une discussion tranquille, mais une question urgente à laquelle chacun devra répondre dans un avenir rapproché. Ce n’est pas non plus une question d’intérêt secondaire ou une diversion des « vrais » problèmes. C’est une question de vie ou de mort pour l’État canadien qui dominera probablement l’agenda politique pour un certain temps. L’enjeu est élevé aussi pour les mouvements ouvrier, féministe et autochtone. L’issue de cette bataille affectera les perspectives pour toutes les autres luttes pour une longue période de temps à venir.
Les socialistes révolutionnaires ont toujours défendu le droit du Québec à l’autodétermination et ce y compris à l’indépendance : nous avons toujours défendu son droit de se séparer du Canada s’il le désire. Cette position est plus pertinente que jamais. Cependant, elle est devenue insuffisante non seulement pour les socialistes du Québec, mais aussi, nous en sommes convaincus, pour ceux du Canada anglais. Ce qui est nécessaire maintenant c’est une position militante pour la victoire de la lutte pour l’indépendance ».
« Pourquoi nous appuyons l’indépendance du Québec »
François Moreau, 1992
En analysant chaque question nous devons garder en mémoire qui s’aligne de chaque côté. Dans le cas du dernier référendum sur la souveraineté du Québec, nous avons vu presque tous les syndicats, les associations étudiantes et les groupes communautaires dans le camp du Oui. Il y avait également bien sûr des sections de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, mais les syndicats, les mouvements sociaux, les travailleurs et les étudiants sont plus importants pour nous.
Aussi important est le fait que la classe dirigeante s’oppose généralement à n’importe quelle sorte d’indépendance pour le Québec, parce qu’elle voit avec raison que ça représente une menace directe pour la stabilité et l’intégrité de son État, pour ses intérêts professionnels et au bout du compte pour son système. Le Québec a longtemps fourni des ressources à bon marché et une classe ouvrière qui est plus lourdement exploitée que son homologue du Canada anglais. La perte de ceci infligerait un coup sérieux à la grande entreprise basée à Toronto.
Finalement, c’est évident que la lutte pour l’indépendance du Québec est reliée profondément aux luttes pour de meilleurs salaires, pour l’équité salariale, pour la gratuité scolaire à l’université, pour un réseau universel de garderies et pour un système public de santé de qualité, pour nommer seulement quelques objectifs cruciaux. De la même manière que nous luttons pour ces revendications et plus, nous devons lutter aux côtés de la classe ouvrière du Québec qui combat pour la réalisation concrète de son autodétermination et pour les moyens concrets de faire avancer ses intérêts de classe, et ça veut dire l’indépendance du Québec de l’État canadien impérialiste.
Maintenant? Maintenant!
Dans le « reste du Canada » vous faites face à l’imposition d’un agenda néolibéral strict. Tous les gains de la classe ouvrière des dernières décennies subissent des coupures. Ce qui est nécessaire et nécessaire maintenant : solidarité, solidarity. La solidarité du reste du Canada avec les luttes des Québécois est nécessaire non seulement contre le néolibéralisme, mais aussi pour l’exercice concret du droit à l’autodétermination nationale, c’est-à-dire la souveraineté du Québec. Si seulement la classe ouvrière du Canada anglais et ses institutions pouvaient prendre cette position avec ses confrères et ses consoeurs, alors nous aurions réalisé un véritable progrès social, ainsi que l’unité de la classe ouvrière, à travers cet immense territoire appelé Canada.

*Aaron Donny-Clark est le président de la Student Society of McGill University et un membre de la Ligue pour l’Action Socialiste à Montréal. 1996-2003:

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